Le quechua, quichua, jechua ou rounasymy est une langue originaire de la régión d'Ayacucho-Apurimac-Cuzco, qui fut la région pré-inca, Chanka-Pokra, dans la cordillère centrale des Andes. Il est parlé, avec des différences normales de prononciation et d’intonation régionales ou locales. Selon les critères pris en compte, il est parlé par entre 8 et 12 millions de personnes en Argentine, Bolivie, Colombie, Chili, Equateur, et au Pérou.
Malgré l’époque à laquelle il s'est développé, il possède une notable richesse de vocabulaire, contrairement aux affirmations de quelques auteurs. Par exemple, notre dictionnaire, qui n’a pas la prétention d’être complet possède plus de 5000 mots quechua de base, c'est-à-dire sans inclure leurs déclinaisons. C’est une langue agglutinante, ce qui veut dire que partant de mots racines (substantifs, verbes ou adjectifs) on construit de nouveaux mots et phrases par rajout de suffixes (plus de 200 suffixes).
Quelques auteurs, sans avoir une connaissance approfondie du runasimi, ou avec l' intention de diviser les peuples andins, affirment qu’il existe plusieurs quechua ou du moins «deux variantes», celle d’«Ayacucho et celle de Cusco». Alors que ceux qui le connaissent de près ou assez profondément savent qu'il s’agit d’une même langue. Il est vrai que dans une région on utilise certains vocables et dans l’autre leurs synonymes, ou que la prononciation dans la région d’Ayacucho, diffère de celle de la région de Cusco. Mais ça n’a rien d’extraordinaire, car cela se passe ainsi avec toutes les langues dans le monde. Par exemple, l’anglais parlé par un américain de New York possède de nombreuses différences de prononciation et d'usage de synonymes avec l’anglais parlé par un indien de Bombay. Ce n'est pas une raison pour qu’un linguiste puisse affirmer sérieusement l'existence d’au moins «deux anglais» différents.
Depuis l’intronisation de la colonisation en Amérique du Sud, il y a plus de cinq siècles, il est vrai que beaucoup des dégradations ont été introduites dans le runasimi. Par exemple, des pluralisations de mots utilisant le «s» ou «es», comme dans l’espagnol ; utilisation de beaucoup de vocables du castillan alors que les mots quechua existent bien ; des formes grammaticales hispaniques dans la construction de phrases, etc. Tout ceci nous amène à dire qu’il existe un besoin réel de QUECHUISER LE QUECHUA. Nous présentons cette page Internet avec l'intention de contribuer à la défense du runasimi dans ses différents aspects, de collaborer à sa diffusion et à sa connaissance, nous voulons également contribuer aux possibilités de son développement vers un usage moderne.
A l’origine, ma décision de rédiger le manuel Parlons Quechua, contenu dans ce site, a été motivée par la nécessité de proposer un guide accessible aux différentes nationalités francophones, ainsi qu’aux Péruviens résidents en France - désireux de comprendre la langue des Incas.
C’était l’occasion d’aider nombre de mes compatriotes, pour qui le quechua résonne comme une langue étrangère, à reconquérir leur patrimoine linguistique oublié ou ignoré.
En effet, le plus important des obstacles qui se dressent devant toute personne désireuse d’apprendre le quechua, même au Pérou, est le manque de centres d’enseignement et de textes d’études relatifs à cette langue.
Jugé gênant depuis la colonisation espagnole, le quechua n’a en effet jamais bénéficié vraiment du statut de langue officielle du Pérou ni de l’enseignement obligatoire que ce statut implique, d’où ce manque de textes d’enseignement et d’écoles.
Fort heureusement, et malgré les tentatives d’étouffement répétées, les répressions culturelles et sociales endurées pendant des siècles - souvent avec le laisser-faire ou la complicité des gouvernements locaux jusqu’à nos jours -, cette langue s’est transmise avec énergie et vigueur, défiant le temps, la corruption, l’usure et l’indifférence, en donnant ainsi à tous la possibilité de retrouver une culture et une mentalité qui continuent à enrichir la palette humaine de belle et originale manière.
Si la motivation d’apprendre le quechua réside pour certains dans le désir pragmatique d’une approche touristique ou le souhait d’approfondir l’étude de cette culture, pour d’autres, cet intérêt provient en effet essentiellement de son caractère de véhicule de la civilisation inca. Il est heureux que le binôme culture/langue éveille toujours et encore la curiosité intellectuelle qui pousse à la découverte de la langue quechua.
Hablemos Quechua. Maximiliano Duran. Paris 2006